21.03.2018 - Article Allemagne.diplo.de Au sein du nouveau gouvernement, le ministère de l’Intérieur acquiert des compétences élargies au Territoire - en allemand « Heimat ». Enquête sur un terme quasi intraduisible en français qui revient à la mode en Allemagne, mais qui suscite aussi la controverse. On parlera du Ministère fédéral de l'Intérieur, de la Construction et du Territoire. C’est désormais la traduction officielle. Mais l’on imagine le désarroi des traducteurs lorsqu’ils ont découvert la composition du gouvernement Merkel IV, et cet intitulé inédit : Bundesministerium des Innern, für Bau und Heimat. Car le terme Heimat n’a pas d’équivalent en français. Même en allemand, il conserve, appliqué à la politique, une part d’ambiguïté. De quoi faire couler un peu d’encre sur les rives de la Spree… et pousser à la réflexion. Plaines, forêts, rochers… « Heimat » désigne un chez-soi lié à l’enfance où l’on se sent en sécurité© dpa De quoi s’agit-il ? Selon le dictionnaire allemand Duden, Heimat désigne « un pays, une région ou un lieu où l’on est né, où l’on a grandi ou bien un chez soi où l’on séjourne de manière permanente ». On peut traduire par « pays natal », « patrie » ou « terroir », selon les cas. Mais le mot conserve une connotation affective intraduisible en français. Il « est imprégné d’émotions vagues mais fortes », souligne le Dictionnaire du monde germanique. Pour un Allemand, la Heimat vibre de la beauté des paysages qui ont bercé l’enfance. Elle suscite un flot de souvenirs agréables : la tarte aux pommes de grand-mère, le café du village et ses bières entre amis, la cloche de l’église. Elle évoque un univers familier. On s’y sent en sécurité. On y a ses repères : patois, fêtes et plats traditionnels. Il y règne des valeurs de simplicité, de sincérité et de persévérance. Des valeurs traditionnelles dont le pôle opposé serait, selon le Dictionnaire du monde germanique, « le mouvement, l’espace ouvert, le voyage, l’aventure avec ses revers qui sont le pays étranger, l’insécurité, l’inconnu, le danger, la (grande) ville, le déracinement ». Exaltée ou ringarde Les années 1950 ont été la grande époque du « Heimatfilm ». Ici « Die Lindenwirtin vom Donau » (1957)© United Archives/TBM A priori, la Heimat n’a donc rien à voir avec la politique. Si son utilisation dans ce domaine suscite des débats, c’est qu’elle y a aussi fait carrière depuis que les romantiques allemands s’en sont emparés au début du XIXe siècle pour évoquer la patrie et la nation. Une carrière, certes, moins sulfureuse que celle du Vaterland (la patrie) célébré par l’idéologie nazie. Mais la Heimat a connu plusieurs récupérations : pour vanter les valeurs rurales traditionnelles en réaction à l’aliénation de la vie moderne lors de la révolution industrielle ou pour désigner le sol dans lequel l’individu est enraciné par opposition à l’étranger. Et en ce sens, elle a été vantée par les précurseurs de l’idéologie Blut und Boden, chère au parti nazi. Il y a donc la Heimat qui réchauffe le cœur et suscite un sentiment d’appartenance, mais aussi celle qui exclut l’autre, l’inconnu, l’étranger. On comprend que le mot ait totalement disparu des discours politiques dès la fin de la guerre… Sous son jour positif, il a cependant continué à briller dans la culture populaire. Les années 1950 à 1970 ont été l’âge d’or du Heimatroman et du Heimatfilm : la littérature et le cinéma ont multiplié les succès commerciaux en idéalisant la beauté et la simplicité de la vie paysanne. Mais ce sentimentalisme exacerbé a fini par lasser. Depuis, le mot Heimat était jugé ringard par tout Allemand âgé de moins de 65 ans. Et aujourd’hui, qu’est-ce que la Heimat ?Jusqu’à récemment. Depuis quelques années, le terme connaît une renaissance. Il est désormais à la mode, même dans les discours politiques, tous partis confondus. Le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, pourtant peu suspect de penchants populistes, l’a lui-même employé dans un discours il y a quelques mois. Le contexte l’explique sans doute en grande partie. Comme ailleurs, les diverses formes d’insécurité générées par les évolutions du monde contemporain (mondialisation, immigration, révolution technologique, changement des modes de vie, etc.) suscitent des débats autour de l’identité. En Allemagne, le parti populiste d’extrême droite AfD s’est positionné sur ce créneau. Mais cela n’empêche pas les autres partis de réfléchir également à ces questions. D’autant que le sens du mot a évolué. Dans le discours contemporain, Heimat évoque moins une représentation statique du passé qu’un « lieu démocratique habitable, à dimension humaine », note le Dictionnaire du monde germanique. Et c’est en ce sens qu’il trouve aussi un écho dans le discours de partis situés à gauche de l’échiquier politique. Il faut ajouter à cela la vitalité des particularités régionales en Allemagne. Lorsque l’Union chrétienne-sociale (CSU), un parti qui n’existe qu’en Bavière, parle de « Heimat », lorsqu’il crée en Bavière un ministère régional chargé entre autres de la « Heimat », cela évoque des choses très concrètes aux oreilles de ses électeurs.
Et c’est là que le débat commence. Car le tout nouveau ministre allemand de l’Intérieur, de la Construction et du Territoire n’est autre que Horst Seehofer, l’homme qui était, jusqu’à hier… ministre-président de Bavière. Comment va-t-il décliner à Berlin un terme qui se passait d’explication à Munich et dans les Alpes bavaroises ? Le contrat de la nouvelle coalition est clair. Le chapitre « Heimat mit Zukunft » (un territoire qui a de l’avenir) indique : « notre objectif est d’instaurer des conditions de vie équivalentes entre les communes […] des espaces urbains et ruraux, à l’Est comme à l’Ouest ». M. Seehofer a affirmé concevoir sa fonction de cette manière, c’est aussi ce que dit la traduction retenue par les traducteurs français de son ministère. Néanmoins, le retour de la Heimat n’en finit pas d’étonner en Allemagne. Et la presse s’interroge : le nouvel intitulé du ministère de l’Intérieur annonce-t-il une volonté salutaire de désenclaver certains territoires pour favoriser leur développement ou bien un durcissement de la politique de contrôle des frontières et d’immigration ? Les deux opinions coexistent. A.L. https://allemagne.diplo.de/frdz-fr/aktuelles/01-Politiquefederale/-/1792974?pk_campaign=newsletter_???label.doctype.AANLIssue???_2018_03_22&pk_kwd=teaser_Le+retour+inattendu+de+la+Heimat
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Pour s'informer sur les élections:(© dpa) Les experts s’attendaient à un score serré. Il n’en a rien été. Ce dimanche, les électeurs sarrois ont massivement voté pour l’Union chrétienne-démocrate (CDU) (40,7 %) d’Annegret-Kramp-Karrenbauer, leur très populaire ministre-présidente depuis 2011. Cette dernière devrait rapidement engager des négociations pour reconduire sa Grande coalition avec le Parti social-démocrate (SPD), arrivé deuxième (29,6 %). Le nouveau Landtag (assemblée régionale) devrait rester dominé par les deux grands partis, la CDU (25 sièges) et le SPD (17 sièges). Ils ont l’un et l’autre gagné des voix par rapport au dernier scrutin régional, en 2012. Le SPD a attiré 10 000 voix supplémentaires, la CDU 47 700 (soit une hausse de 25 %). Il faut dire que la participation (près de 70 %) était en hausse de plus de huit points par rapport à 2012. Cela explique qu’en pourcentage, le SPD affiche une baisse de 1 %. L’opposition régionale ne comptera que deux partis : Die Linke (12,9 %, en baisse de 3,3 points) et l’AfD (6,2 %, non présent en 2012). Les Verts (4 %), les libéraux du FDP (3,3 %), le Parti Pirate (0,7 %) et les neuf autres partis en lice n’ont pas franchi la barre des 5 % nécessaire pour obtenir des députés. Annegret Kramp-Karrenbauer très appréciée Selon les premières analyses du scrutin, deux facteurs semblent expliquer la forte mobilisation des électeurs en faveur de la CDU. Le premier est la solide popularité d’Annegret Kramp-Karrenbauer. La très francophile ministre-présidente est appréciée pour son style méthodique et rigoureux, sans chichi, efficace, pragmatique, honnête et humble ainsi que pour sa grande proximité avec les gens. Elle recueille ainsi près de 80 % d’opinions favorables auprès de ses administrés. C’est un record, que ne dépasse que le ministre-président du Bade-Wurtemberg, le Vert Winfrid Kretschmann. La seconde raison serait la crainte de voir une coalition « rouge-rouge » (SPD-Die Linke) arriver au pouvoir en Sarre. Cette perspective ne correspond pas au vœu des électeurs de la Sarre, reconnaît-on au SPD. Die Linke, emmené par l’ancien ministre-président et ancien ministre fédéral Oskar Lafontaine, 73 ans, a d’ailleurs enregistré un résultat nettement inférieur à ses ambitions. Réalité de « l’effet Schulz » Dans tous les cas, les résultats de ce scrutin semblent relativiser « l’effet Schulz », c’est-à-dire la remontée du SPD dans les sondages depuis la nomination de l’ancien président du Parlement européen, Martin Schulz, comme candidat du parti aux élections législatives. La question que tout le monde se pose désormais à Berlin est donc de savoir si ces résultats constituent une prédiction en vue des scrutins à venir. Les électeurs allemands seront, en effet, encore appelés aux urnes trois fois cette année : le 7 mai dans le Schleswig-Holstein, le 14 mai en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le land le plus peuplé du pays, et surtout le 24 septembre pour les élections législatives fédérales. « La journée d’hier a été une belle journée, une journée encourageante », a commenté la chancelière Angela Merkel, qui briguera à l’automne un quatrième mandat. « Les campagnes électorales sont des courses de fond, pas des sprints. Et pour ce qui est du souffle, nous sommes vraiment bons et endurants », a estimé pour sa part Martin Schulz, tête de liste du SPD aux élections législatives. « Effet Schulz » ou pas ? Il reste six mois aux Allemands pour en décider. A.L. http://www.allemagne.diplo.de/Vertretung/frankreich/fr/__pr/nq/2017-03/2017-03-27-elections-regionales-sarre-pm.html 21 déc. 2016 www.allemagne.diplo.de Les Allemands auraient-ils oublié leurs classiques ? Cela semble être l’avis d’Angela Merkel. Ne regrettait-elle pas récemment que ses compatriotes ne connaissent plus beaucoup de chants de Noël ? Pourtant, en cette période de fêtes, l’Allemagne résonne de nombreuses mélodies traditionnelles qui réchauffent le cœur et l’âme face à la froidure hivernale. Un sondage Emnid vient même de révéler les préférences des Allemands. Il place « Stille Nacht, heilige Nacht » (« Douce nuit, sainte nuit ») en tête, devant deux autres classiques « O du Fröhliche » et « O Tannenbaum » (« Mon beau sapin »). De plus, neuf chants de Noël sont plébiscités par 30 % ou plus des sondés. La tradition a donc encore de beaux restes. En revanche, ce qui se perd parfois dans la mémoire, c’est l’origine de ces chants qui permettent à chacun d’exprimer spontanément sa joie de l’arrivée de Noël. Aux origines d’un riche patrimoine « Stille Nacht, heilige Nacht » fut ainsi composé en quelques heures, le 24 décembre 1818, dans un petit village de la frontière germano-autrichienne près de Salzbourg, par un prêtre (Joseph Mohr) et l’organiste (Franz Gruber) qui l’assistait ce soir-là. Leur cantique a fait le tour du monde. À quoi tient parfois le succès… Quant à « O du Fröhliche », un autre très grand classique qui apaise le soir de Noël, on ignore bien souvent qu’il a été composé dans des circonstances tragiques. Son auteur, le poète Johannes Daniel Falk (1768-1826) venait de perdre quatre de ses sept enfants, morts du typhus… Luther et les cantiques de Noël Enfin, sait-on qu’en Allemagne, beaucoup de cantiques de Noël ont été composés par Martin Luther et ses successeurs ? Le Réformateur allemand a écrit plus de 30 chants, dont le très célèbre « Vom Himmel hoch, da komm ich her » (« Je viens du haut du ciel »), pour lequel il s’est inspiré d’un cantique populaire du Moyen Âge. C’est que dans le cadre de la Réforme, dont on célèbrera le 500eanniversaire en 2017, le service divin consistait surtout dans la prédication de la parole de Dieu et dans le chant. Plusieurs chants composés par Luther et ses successeurs ont ainsi, au fil des ans, été exportés à l’étranger, jusqu’en Amérique du Nord. De plus, l’exemple des réformateurs suscita aussi un élan de composition de nouveaux cantiques chez les catholiques. Cependant, là où les protestants s’en tenaient au texte, ces derniers prirent soin de laisser davantage s’exprimer les sentiments, qu’ils s’agissent de la douleur de leurs misères terrestres ou de l’espoir qui jaillit de la crèche. Cela explique que l’Allemagne possède un riche patrimoine de chants de Noël, religieux ou populaires. Et ce, d’autant que toutes les époques suivantes ont continué à en composer. Ainsi, même au XXIe siècle, les Allemands entretiennent la tradition des chants de Noël. À l’heure actuelle, l’une des grandes tendances est de se réunir dans des stades pour les chanter tous ensemble. Ce sera le cas, par exemple, jeudi 22 décembre à Dresde. Le Dresdner Kreuzchor, qui fête cette année son 800e anniversaire, invite les habitants à venir chanter pour « envoyer un signal pour une ville pacifique ». A.L. http://www.allemagne.diplo.de/Vertretung/frankreich/fr/__pr/nq/2016-12/2016-12-21-chanson-noel-pm.html www.letemps.ch
8 décembre 2016 Le Temps: Dans votre livre* «Penser entre les langues», vous écrivez, à propos du «Hochdeutsch»: «Cette langue qui, pour être parlée, suppose que les locuteurs soient libérés de la contingence des affects.» C’est exactement l’argument avancé par les Alémaniques pour défendre leur emploi du dialecte. Les Allemands parlent-ils donc aussi le dialecte en famille? Heinz Wismann: Par Hochdeutsch, on désigne la langue allemande codifiée, imposant le respect strict de ses règles syntaxiques. Et j’observe qu’à partir du moment où, entre deux locuteurs, l’affect s’en mêle, où la tonalité de l’échange devient plus familière, la syntaxe est malmenée. Mais cela ne veut pas dire que tous les Allemands parlent en famille un dialecte comme en Suisse. De fait, la plupart du temps, ils parlent une langue intermédiaire, volontiers teintée d’inflexions dialectales mais, surtout, syntaxiquement en rupture avec le carcan du pur Hochdeutsch, qui est terriblement contraignant. – Pourquoi l’est-il? – Le français place le déterminant après le déterminé: «Une tasse à café». En allemand, c’est l’inverse: Eine Kaffeetasse. Si vous appliquez ce principe à la structure de la phrase, vous obtenez une accumulation d’éléments chargés de déterminer quelque chose qui n’est formulé que plus tard. De la part du locuteur, cela demande une discipline de fer. C’est pourquoi les présentateurs des informations télévisées lisent en général leur texte: il est malaisé d’improviser correctement en Hochdeutsch. Par ailleurs, cette structure syntaxique limite la spontanéité de l’échange car elle oblige l’interlocuteur à attendre la fin de la phrase pour savoir de quoi il est question. D’où les remarques critiques de Madame de Staël sur l’impossibilité d’avoir une conversation en allemand… – … parce qu’on ne peut pas interrompre un Allemand qui parle. Est-ce cela, le propre de la conversation: interrompre son vis-à-vis? – Aux oreilles d’un Allemand, les Français sont des gens qui parlent tous en même temps. Mais s’ils peuvent se permettre de s’interrompre, c’est parce qu’ils évoluent dans une structure syntaxique où l’essentiel est posé d’emblée et l’accessoire suit. Ainsi, le «gazouillis» des salons français vanté par Madame de Staël consiste à emboîter le pas à celui qui parle comme on relance un ballon, à faire circuler la parole dans un esprit de connivence. – Mais d’où vient la rigidité de l’allemand? Est-ce du fait que, contrairement à la plupart des idiomes européens devenus langues nationales, le «Hochdeutsch» n’était pas, à l’origine, une langue parlée? – L’histoire du Hochdeutsch est compliquée. Elle puise son origine dans la traduction des Evangiles par Luther. On a bien affaire à la grammaticalisation d’un dialecte, mais à l’aide du grec ancien. On peut dire, pour faire court, qu’avant d’être adopté comme langue nationale, le Hochdeutsch a été une langue littéraire, puis administrative, mais pas vraiment parlée. – Chaque langue, écrivez-vous, véhicule un rapport particulier au réel. Et l’instrument privilégié de ce «vouloir dire», c’est la syntaxe. Que «veut dire» cette bizarrerie allemande qui consiste à placer le verbe à la fin de la phrase? – Elle dit que le verbe est essentiel. Elle indique que l’action verbale, élément ultime de la chaîne des déterminations successives, porte l’ensemble de l’énoncé. Par contraste, la phrase latine est conçue à partir du sujet, sur lequel s’appuie le reste de l’énoncé. Il y a un rapport d’équivalence avec l’attribut, qui s’accorde en genre et en nombre: «La femme est grande.» Entre les deux, l’«auxiliaire» joue un rôle subalterne de copule. En allemand, le verbe est beaucoup plus puissant. On dit «La femme est grand», ce qui suppose quelque chose comme un verbe «grand être» où ce qui en français est attribut revêt une fonction adverbiale. On retrouve cette différence fondamentale dans la notion même de «réalité»: la «res» latine est une entité nettement circonscrite, distincte, à la limite immobile. La Wirklichkeit provient du verbe wirken, agir. Elle correspond à une réalité essentiellement dynamique. Certes, on peut aussi dire Realität en allemand, mais seulement pour constater un état de fait, le plus souvent assorti d’une nuance de regret: les rides qui se creusent sur mon front sont une Realität, pas une Wirklichkeit. On a affaire à deux univers mentaux, qui mettent l’accent l’un sur le mouvement, l’autre sur la localisation. – Mais la langue ne crée pas ex nihilo notre rapport au réel: d’où vient cette différence? – Schématiquement, on peut dire que le principe de spatialisation est central dans les régions où le soleil est mâle et la vue dégagée. C’est le cas des pays latins. En Allemagne, au nord en général, la brume voile la perception visuelle. Dans la forêt profonde surtout, c’est l’ouïe qui domine. L’oreille guette les bruits, qui évoluent d’un instant à l’autre. – Toutes les langues du nord ne mettent pas le verbe à la fin… – Disons que l’allemand est la langue qui a poussé à l’extrême son propre principe de cohérence. Prenez l’horizon métaphorique du mot «appartenance»: en français, il évoque un appartement. En allemand Zugehörichkeit contient le verbe hören, entendre: on appartient à un groupe si l’on est capable d’entendre son appel. Le rapport au réel passe par l’ouïe. C’est pourquoi la musique constitue l’une des contributions principales des germanophones à la culture universelle. Avec la philosophie spéculative, qui est son corollaire. La «logique» hégélienne peut en effet être lue comme l’équivalent d’une phrase allemande ininterrompue alignant tous les éléments possibles du verbe «être». On retrouve le même souci d’exhaustivité dans le traitement du thème musical (Durchführung) de la sonate classique. – Les Allemands seraient plus portés sur l’action que les Français? – Ils ont vraiment, je crois, une plus grande capacité à se projeter vers l’ailleurs. On le voit sur la scène économique mondiale, où ils sont très présents. Pourquoi les industriels français sont-ils si faibles à l’exportation? Ils sont trop bien dans l’«Hexagone», cet espace parfait! – Vous dites également du français que c’est une langue «allusive» et «compactée». En cela, elle est donc sœur jumelle de l’anglais, qui devrait pourtant être plus proche de l’allemand… – L’anglais a en commun avec le français d’avoir été façonné par l’usage de cour. D’où son caractère idiomatique: lorsqu’on demande pourquoi, en anglais, telle chose se dit de telle manière, on vous répond «parce que c’est comme ça». Il n’y a pas de règle, il faut maîtriser la convention, laquelle change selon le milieu où se reflète la hiérarchie sociale. Le français, à un degré moindre, a ce même caractère idiomatique, l’allemand pas du tout: socialement, c’est une langue nettement plus égalitaire. – Mais pourquoi dites-vous que le français est «compacté»? – Le propre du courtisan, c’est de parler des choses «à bon entendeur». La grande prouesse de La Princesse de Clèves consiste à évoquer une passion amoureuse sans jamais la désigner explicitement. La conséquence de cette culture du demi-mot est que, de Montaigne à Madame de La Fayette, des dizaines de milliers de vocables ont été abandonnés. Racine écrit ses tragédies avec mille cinq cents mots. «Ardeur» lui sert à désigner une foule de choses différentes, de l’amour à la haine en passant par le courage au combat. C’est ce qui fait dire à certains que le français est la langue européenne la plus proche du chinois. – Quand on colle aux choses, on ne voit rien, seule la distance rend lucide, écrivez-vous: être bilingue, ça rend intelligent? – Chaque langue portant en elle un reflet du réel, quand je décolle de la mienne pour aller vers une autre, j’enrichis ma capacité à percevoir de la réalité. Je me donne une chance de développer une intelligence réflexive, c’est-à-dire d’aller voir ailleurs et de revenir enrichi de ce que j’ai compris en m’écartant de moi. J’oppose cette attitude au syndrome identitaire, qui est la forme la plus stupide de l’affirmation de soi: on est fier de n’être que ce que l’on est. C’est très appauvrissant. – Mais rassurant, car pour prendre de la distance, il ne faut pas avoir peur de tomber… – Bien sûr que c’est rassurant, et les populismes de toutes espèces exploitent aujourd’hui honteusement cette tendance naturelle à vouloir rester entre soi. S’éloigner est toujours «une petite douleur», comme dit Hegel dans ses récits pédagogiques. Mais il insiste sur les gratifications bien plus grandes, à la fois intellectuelles et affectives, que procure l’expérience du retour. Il recommande donc de fonder l’enseignement sur l’approfondissement de cette expérience, pour laquelle les langues étrangères, y compris les langues mortes, jouent un rôle essentiel. – Mais pourquoi une telle régression identitaire aujourd’hui? – C’est comme si les gens ne trouvaient pas d’autre moyen de résister à la mondialisation. On vit dans un monde très ouvert, mais c’est une fausse ouverture car notre perception de l’ailleurs passe généralement par un filtre unique: celui du «globish», cette langue de service, dénuée de toute dimension connotative, qui réduit à la portion congrue notre rapport au réel. L’anglais international ne reflète guère que l’univers des marchandises. – Vous êtes contre toute idée de langue unique? – Oui. La nostalgie d’un paradis pré-babélique est très régressive. Le principe de vie, c’est la différenciation: vive la prolifération des langues! – Le plurilinguisme n’est-il pas le privilège d’une élite? – C’est un privilège auquel tout le monde a droit. Sous prétexte de démocratisation, l’école d’aujourd’hui abaisse son niveau d’exigence et, ce faisant, creuse l’écart social. Elle n’a aucune excuse pour ne pas jouer son rôle, qui est d’arracher les enfants au monolinguisme infantile afin de leur donner accès à d’autres univers mentaux. * «Penser entre les langues» de Heinz Wismann, Ed. Albin Michel, 312 p. «La nostalgie d’un paradis pré-babélique est très régressive. Le principe de vie, c’est la différenciation» https://www.letemps.ch/culture/2012/09/24/voila-lallemand-met-verbe-fin Österreich hat einen neuen Bundespräsidenten: Ex-Grünen-Chef Alexander Van der Bellen. Das Land stoppt nach der "Brexit"-Entscheidung und dem Wahlsieg Donald Trumps den weltweiten Siegeszug der Rechtspopulisten.
Sonntag, 04.12.2016 Die Prognosen stimmten wieder einmal nicht: Nahezu alle sahen Norbert Hofer von der rechtspopulistischen FPÖ knapp vor dem früheren Grünen-Chef Alexander Van der Bellen im Rennen um das Amt des österreichischen Bundespräsidenten. Nun hat Van der Bellen unerwartet deutlich gewonnen, dem vorläufigen Endergebnis zufolge mit 51,7 Prozent gegen 48,3 Prozent. Bei der letzten Stichwahl im Mai, die die FPÖ erfolgreich wegen möglicher Wahlmanipulationen angefochten hatte, war das Ergebnis knapper ausgefallen. Die Österreicher haben eine Richtungsentscheidung getroffen, denn gegensätzlicher hätten die beiden Männer und ihre politischen Ziele kaum sein können. Hofer, 45, stand für Abschottung, gegen die EU, gegen Zuwanderung und Flüchtlinge, Van der Bellen, 72, für eine Öffnung, einen Pro-EU-Kurs und für eine Willkommenskultur. Es war aber auch eine Stilentscheidung: gegen populistische Parolen, gegen das Spiel mit dem Feuer wie "Öxit"-Gedanken und Volksabstimmungen über die Todesstrafe, für einen gemäßigten, versöhnlichen Ton. Den aggressiven Wahlkampfstil Hofers mit zum Teil völkisch-nationalistischer Färbung hat die Mehrheit der Wähler nicht goutiert. Offensichtlich haben viele Österreicher sich um den internationalen Ruf ihres Landes gesorgt. Die ganze Welt blickte an diesem Sonntag auf das Land, mehr als 100 Journalisten aus aller Welt, von Kanada bis Japan, hatten sich zur Berichterstattung über die Wahl in der Wiener Hofburg, dem Sitz des österreichischen Bundespräsidenten, eingefunden. In zu schlechter Erinnerung waren offensichtlich die internationalen Sanktionen und die Kritik, die Österreich erfahren hatte, als die FPÖ im Jahr 2000 an die Regierung kam. Ein Wahlsieger Hofer hätte ein weltweites negatives Echo mit sich gebracht. http://www.spiegel.de/politik/ausland/alexander-van-der-bellen-gewinnt-wahl-in-oesterreich-servus-rechtsruck-a-1124374.html Die Österreicher wählen einen neuen Bundespräsidenten. Warum ist diese Entscheidung so wichtig ist, was bedeutet sie für Europa - hier ist der Überblick.
Von Hasnain Kazim, Wien Es ist die erste nationale Wahl in Europa nach dem Sieg von Donald Trump in den USA: Viele Regierungen beobachten genau, ob sich bei der Präsidentenwahl in Österreich der Erfolg der Rechtspopulisten fortsetzt - oder ob das Land gegen den Trend stimmt. Wer steht zur Wahl? Am Sonntag treten zwei Kandidaten an: Norbert Hofer, 45, Ingenieur, von der rechtspopulistischen FPÖ und der von den Grünen unterstützte Kandidat Alexander Van der Bellen, 72, Wirtschaftsprofessor. Die beiden könnten gegensätzlicher kaum sein. Für Hofer stehen das Nationale und ein EU-kritisches Österreich im Vordergrund, das sich stärker Richtung Osteuropa orientieren will. Er warnt vor Zuwanderung und will die Grenzen besser schützen. Die Flüchtlingspolitik Angela Merkels kritisiert er. Van der Bellen steht für einen Pro-EU-Kurs, für ein offenes Österreich, das stolz darauf ist, eine große Zahl an Flüchtlingen aufgenommen zu haben. Für die deutsche Flüchtlingspolitik findet er häufig lobende Worte. Warum gibt es überhaupt eine Stichwahl? Bei der eigentlichen Bundespräsidentenwahl in Österreich am 24. April traten sechs Kandidaten an - fünf Männer und eine Frau. Erwartungsgemäß erreichte aber keiner von ihnen 50 Prozent. Bemerkenswert war, dass die Kandidaten der beiden Volksparteien, der sozialdemokratischen SPÖ und der christlich-konservativen ÖVP, scheiterten. Die meisten Stimmen erhielt Hofer mit 35 Prozent, die zweitmeisten Van der Bellen mit 21 Prozent. Sie qualifizierten sich damit für die Stichwahl am 22. Mai, bei der sich Van der Bellen (50,3 Prozent) knapp gegen Hofer (49,7 Prozent) durchsetzte. Die FPÖ focht das Ergebnis wegen Unregelmäßigkeiten bei der Auszählung an und bekamt beim Verfassungsgerichtshof Recht. Die Wiederholung der Stichwahl wurde auf den 2. Oktober angesetzt, musste dann aber wegen nicht richtig klebender Wahlumschläge verschoben werden. Der neue Termin ist der 4. Dezember. Es ist also der dritte Wahlgang und der vierte Anlauf. Weshalb sorgt die Wahl weit über Österreich hinaus für Aufmerksamkeit? Die Wahl ist die erste auf nationaler Ebene in Europa nach dem Wahlsieg Donald Trumps in den USA. Die Frage ist, ob sich der Erfolg von Rechtspopulisten wie bei der US-Präsidentschaftswahl und zuvor bei der Brexit-Abstimmung in Großbritannien fortsetzen wird, oder ob Österreich die politische Rechte bremst. Von der Wahl geht somit eine Signalwirkung aus - auch für Deutschland, wo 2017 Bundestagswahlen anstehen. Ist die Wahl auch für österreichische Verhältnisse außergewöhnlich? Ja, denn mit Hofer oder Van der Bellen bekleidet erstmals in der Geschichte der Zweiten Republik ein Mann das Präsidentenamt, der nicht zu einer der beiden Volksparteien gehört beziehungsweise von ihnen unterstützt wird. ÖVP und SPÖ haben sich offiziell nicht für Hofer oder Van der Bellen ausgesprochen. Die ÖVP ist in der Frage gespalten, manche ihrer Spitzenpolitiker unterstützen den einen, manche den anderen Kandidaten. SPÖ-Politiker, Bundeskanzler Christian Kern eingeschlossen, sprechen sich mehrheitlich für Van der Bellen aus, eine offizielle Wahlempfehlung gibt es aber nicht. Mit welchem Wahlausgang ist zu rechnen? Sämtliche Umfragen sehen beide Kandidaten Kopf an Kopf. Mit anderen Worten: Das Land ist gespalten. In den meisten Erhebungen liegt Hofer jedoch knapp vor Van der Bellen. Beobachter gehen davon aus, dass beide ihre eigenen Lager bereits mobilisiert haben. Jetzt geht es noch um die Unentschlossenen und jene, die bei den zurückliegenden Terminen nicht gewählt hatten. Besonders umkämpft sind die traditionellen ÖVP-Wähler, da sie unentschieden sind. Sollte es knapp ausgehen, steht das Wahlergebnis wie bei der letzten Stichwahl im Mai erst am Montag fest, nach Auszählung der per Briefwahl abgegebenen Stimmen. Wer darf wählen? Den Wählerverzeichnissen zufolge sind knapp 6,4 Millionen Österreicherinnen und Österreicher wahlberechtigt. Das sind 17.000 mehr als bei den ersten beiden Terminen, da die Wählerverzeichnisse aktualisiert wurden. Wahlberechtigt sind jetzt auch alle, die zwischen dem ersten Wahlgang am 24. April und dem 4. Dezember ihren 16. Geburtstag hatten. Auch im Ausland lebende Österreicher, die sich bis zum 27. Oktober in entsprechende Listen eingetragen haben, dürfen wählen. Bei der letzten Stichwahl im Mai lag die Wahlbeteiligung bei knapp 72,7 Prozent. Was darf der österreichische Bundespräsident? Der Bundespräsident hat zunächst einmal repräsentative Aufgaben. FPÖ-Kandidat Hofer hat aber im Wahlkampf für Irritationen gesorgt, weil er sagte, man werde sich "noch wundern, was alles gehen wird". Tatsächlich räumt die Verfassung ihm einige Befugnisse ein. Er kann den Bundeskanzler ernennen und entlassen und damit die Regierung. Er kann, was allerdings mit verfassungsrechtlichen Hürden verbunden ist, das Parlament auflösen und Neuwahlen erzwingen, außerdem Gesetze blockieren. Formal ist er zudem der Oberbefehlshaber der Streitkräfte. http://www.spiegel.de/politik/ausland/bundespraesidentenwahl-warum-die-welt-nach-oesterreich-blickt-a-1124337.html |
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